Dans un ouvrage : Chants populaires recueillis dans le pays Messin, publié à Metz et à Paris en 1865, le comte de Puymaigre donne deux rédactions de l'histoire de la Chèvre et du président du tribunal. Elles présentent d'assez grandes différences de patois; mais la trame reste identique. D'autre part, en Franche-Comté et dans d'autres contrées de l'Est on retrouve des traces de la Gaye ou Biscotte. Mais c'est déjà le passé!... Comme aucun chant n'a survécu pour accompagner ces essais frustes de poésies mal équilibrées et mal rimées, j'ai cru utile de reconstituer la musique alerte et bien scandée de la gaie meusienne. Ma grand'mère la chantait d'une voix douce et tremblotante en mimant le gringuignement de la pauvre condamnée! Je l'ai chantée moi-même jadis avec les gamins de mon âge en défilant au pas comme les soldats que nous imitions, Je renvoie au vocabulaire ci-après les lecteurs qui n'ont pas le plaisir de goûter la saveur des mots du patois meusien, leur sonorité, leur causticité. Gaïe, gaille, gaye : chèvre. Gaïot, gaïette : chevreau, chevrette. M'n'onon : mon oncle. Haïe : haie vive. Chaw : chou. Pouratte : poireau. Arie, érie : petit sentier semé entre deux plantations. Ell' gringuignat : elle gringuignait. Gringuiner : secouer malicieusement la tête en grinçant les dents méchamment. Être citaïe : être assigné par citation d'huissier à comparaître devant le juge. Jusqu'au XVI̊ siècle et peut-être XVII̊, les animaux accusés de délits étaient déférés aux tribunaux et contraints par corps. Elle y retroussi : a retroussé, a relevé. Il est plaisant et malin d'indiquer que la gaie à courte queue toujours relevée la retrousse pour s'asseoir humblement sur le banc des prévenus. R'téré : retiré de l'onguent, autrefois drogue aromatique. Ici, substance connue réservée très malicieusement aux « belles dames » qui auront mal aux dents!...