la gardeuse de chêvres Hier je m’y promène Le long du grand chemin ; Je vis une bergère Sautant sur un bâton, Gardant ses chèvres bis Le long de ces buissons. Je lui ai dit : Bergère, De quoi gardez-vous donc Ce p’tit troupeau de chèvres Laissé à l’abandon ? Suivez-moi donc, Ma belle Jeanneton. -Kosk’ vo m’déhè, Monsû ? I vouade dâ bocatte, I keuye dâ gratte-cu, Dâ moûr et dâ neuhate ; Ço pou me fâr, Monsû, in boô biassié. De vos jolies noisettes, J’en voudrais bien avoir Fouillez dans vot’ pochette Autant que j’en désire, Et donnez-m’en ; Je serai votre amant. Dâ crotte dé ma bocatte, Monsû, sè vos en vlâ, Je vos an rèmèss’râ, Monsû, tan k’vo vourâ. T’n-è-n èré poi ; Etir-te, gran vilain. Etir don tè gran barbe D’ècont’ mè bé mézé. I r’trosserâ mé gâpe ; Mè cu c’a d’lè même pè. Tè lé baj’ré, Monsû, tan k’tè vouré. Que me dites-vous, Monsieur ? Je garde les chèvres, Je cueille des cynorrhodons, Des mûres et des noisettes ; C’est pour me faire, Monsieur, un bon fruitier*. * : local, étagère où l’on conserve les fruits : (le Petit Larousse). Des déjections de mes chèvres, Monsieur, si vous en voulez, Je vous en ramasserai, Monsieur, tant que vous en voudrez. Tu n’en auras point ; Fuyez, grand vilain. Éloignez donc votre grande barbe De contre mon beau museau. Je retrousserai ma jupe ; Mon cul est de même peau. Tu le baiseras. Monsieur, tant que tu voudras. -Vous êtes une grossière ; Vous n’avez pas de raison. Vous êtes belle fille, Et moi je suis beau garçon. Suivez-moi donc, Une fois de bonne façon. -O lây’ me don tranquille Èvo té boin’ fèçon. Val mâ chieuve kè s’sauvon ; È mè fau corre èprès. In bé gohhon N’s’éhhèy’ conte in’ guenon. - Au fond de vot’ pochette Où je porte la main, La belle, vous avez Un petit échaudé. Ça m’guérira De mon mal d’estomac. - S’té mau è lè gruatte, I a ca di pain meuhhi ; S’n’âm’ pou tè gueule y matte. Mè mèr’ m’lè di K’n’on fèlléy’ poo bèyi. - Oh ! laisse-moi donc tranquille Avec tes bonnes façons. Voilà mes chèvres qui se sauvent ; Il me faut courir après. Un beau garçon Ne s’assied pas contre une guenon. - Si tu as mal à l’estomac, J’ai aussi du pain moisi ; Ce n’est pas pour y mettre ta gueule. Ma mère m’l’a dit Qu’il ne fallait point en donner.